Skip to content

Pleurer comme un homme

J’ai longtemps hésité à rédiger cet article. Premièrement parce que j’ai eu l’honneur d’être interviewé par Pascaline Michon pour son podcast À fleur de peau (que je vous invite grandement à écouter) qui résume plutôt bien ce que j’ai vécu par le passé et comment je me sens aujourd’hui vis à vis de ma sensibilité en tant qu’homme. Deuxièmement, parce que je ne fais pas la différence entre les genres en terme de haute sensibilité. Quel que soit le genre, chacun a sa sensibilité et la vit comme il le souhaite. J’ai l’impression en écrivant cet article de cautionner des choses que je ne partage pas, notamment cette différence entre les hommes et les femmes. Néanmoins, l’article de Séléné, Pleurer – fierté ou honte (que je vous invite à lire), m’a inspiré et je me suis dit “ tiens et si moi aussi je le partageais ce moment où l’émotion est tellement forte que je pleure. ” En plus de compléter ce que j’ai dit dans le podcast, je tenais à apporter mon témoignage concernant cette sensibilité qui s’est dévoilée très tôt et comment les pleurs m’ont accompagné toute ma vie

Alors me voilà, assis sur mon canapé à écouter mon album Méditation, regroupant les musiques du jeu vidéo The Pathless composées par Austin Wintory (Journey), et je sens que les mots veulent sortir. Je sens au plus profond de moi ma sensibilité, qui est là, au bord de mes lèvres, au bout de mes doigts, présente dans chaque parcelle et chaque cellule de mon corps. Je laisse mes pensées prendre le contrôle (enfin pas vraiment c’est mon cerveau qui commande si on y réfléchit bien, les pensées faisant partie de son fonctionnement). 

J’ai toujours senti cette différence en moi et ce depuis tout petit. Je me souviens encore des allers retours chez le médecin pour mon eczéma grandissant, mes crises d’asthme et mes crises d’angoisses. Le médecin avait dit à ma maman que j’étais un grand stressé. Mais sans nous donner de méthodes pour me calmer, juste des crèmes et des calmants. Ma mère ne m’en a jamais parlé mais j’étais un enfant qui pleurait assez facilement, plutôt timide, craintif et réservé. J’avais quelques copains étant petit avec lesquels je jouais de temps en temps dehors mais sans plus. Je voyais régulièrement mon cousin avec lequel j’avais 1 an d’écart, puis il y a eu la naissance de mon petit frère. Je n’avais donc pas besoin d’aller bien loin pour jouer avec d’autres enfants. Cependant je me souviens juste que j’adorais passer du temps dans ma chambre à faire une activité seul et à écouter de la musique (et oui déjà petit la musique c’était mon dada). Puis entre autres, j’étais très jeu vidéo donc je passais finalement beaucoup de temps tout seul. J’avais remarqué cette différence entre moi et les autres garçons, mais je n’y prêtais pas beaucoup d’attention. L’innocence sans doute, malgré le fait qu’on m’embêtait un peu la dessus dans la cours d’école, mais c’était gentil encore. C’est surtout en grandissant que les choses se sont vraiment compliquées.

Je suis arrivé au collège et là clairement j’ai vu la différence. Enfin les autres l’ont ressenti… Et ça été très compliqué… Outre mon groupe d’amis et d’autres très bons contacts que je me suis fait, je ne garde pas spécialement un très bon souvenir du collège. On venait souvent me charrier, on me posait des questions sur des choses que moi même je ne pensais pas… C’était extrêmement dur. J’étais très mal à l’aise en cours de sport quand il fallait aller dans les vestiaires avec les autres garçons, je me changeais généralement très vite et je n’avais qu’une hâte c’est que le prof ouvre vite les vestiaires pour en sortir. Les séances de sport, c’était affreux. Je n’étais pas du tout à la hauteur, je voyais les autres confiants, virils, grands et moi j’étais là, tout penaud, à ne pas m’intéresser au sport…  Je faisais souvent le dur face aux remarques qu’on pouvait me faire, mais en réalité au fond de moi j’étais dévasté…  “Tapette”, “mauviette”, “t’es une fille manquée en fait”…. J’avais envie de fondre en larmes et généralement c’est ce que je faisais en rentrant chez moi quand moralement je n’en pouvais plus. Et ma maman était là pour me consoler, elle était là pour tout, un gros câlin dans ses bras et je partais de plus belle, avec mon sourire. Je leur en ai longtemps voulu mais aujourd’hui avec du recul, je me dis qu’ils ne pouvaient pas comprendre et moi non plus. Ils ne pouvaient pas savoir que ce qu’ils pointaient du doigt, ce n’était pas de la faiblesse, une chose réservée au fille, mais bien une force, ma force. J’ai fait ma primaire, mon collège et ma première année de lycée dans la même ville. Donc je connaissais plutôt bien les gamins du coin. Heureusement qu’au lycée d’autres élèves venus d’autres villes étaient dans nos classes. J’ai pu faire de magnifiques rencontres dont une (elle se reconnaitra ;)) qu’aujourd’hui je côtoie toujours régulièrement. 

C’est à cette période que ma mère et mon beau-père ont décidé d’emménager un peu plus loin à la campagne. J’allais donc devoir changer de lycée et faire ma première et terminale là-bas. J’étais triste de quitter mes amis, et puis le jour de la rentrée dans mon nouveau lycée, je me suis dit : “ ok David, nouveau lycée, nouvelle vie, c’est pas plus mal “. J’étais un nouvel élève que personne ne connaissait, j’avais deux ans devant moi, je ferais profil bas, je serais tout seul et ça me convenait très bien. Personne qui me connaissait, pas de garçons pour m’embêter, je serais invisible. Ben ça c’est pas du tout passé comme je voulais, mais mieux que je l’espérais. J’étais dans une petite classe de 23 élèves dont 5 garçons tous aussi renfermés que moi. Le top ! Finalement j’ai sympathisé avec quelques élèves et je me suis encore fait de nouveaux amis pour la vie ! Ma sensibilité était appréciée dans ce groupe, j’étais le confident, celui avec qui on pouvait se confier et parler, tout en rigolant car très drôle. Même si les autres garçons des autres classes continuaient de me dévisager bizarrement, et que les séances de sport avec eux ( on était tous mélangés en sport) étaient tout aussi gênantes que celles du collège, je savais que derrière, je retrouverais ma classe dans laquelle je me sentais bien. Durant cette période lycée, à part la pression des examens, j’étais plus perturbé par des questions personnelles et d’ordre existentielle. Il m’arrivait de pleurer sous la pression des examens, mais ma maman était toujours là pour me réconforter, me dire qu’elle était fière de moi. Ça me donnait confiance en moi et je repartais avec une bonne énergie. A la fin du lycée, j’étais triste de me dire que je n’allais plus voir certaines personnes tous les jours et j’angoissais à l’idée d’aller vers l’inconnu. Et mes angoisses se sont avérées vraies.

J’ai détesté ma première année de fac et d’ailleurs j’ai eu envie d’arrêter deux mois après avoir commencé. J’étais à Paris, en licence de géographie et je me sentais vraiment tout petit dans mon université et dans cette grande capitale. Je n’avais aucun point de repère et je n’étais jamais avec les mêmes personnes en cours. Je ne dormais plus, j’avais des crises d’angoisses la nuit avec bien entendu des crises de larmes. Par moment, j’étais assis sur un banc à voir ses étudiants pour qui ça paraissait facile et moi je n’avais qu’une envie, c’était de tout déballer et rentrer chez moi. C’était totalement déconcertant. Si bien que l’année suivante j’ai changé de cursus. Je suis entré en DUT et là j’y étais beaucoup mieux, j’avais une classe que j’allais gardé deux ans, je découvrais de toutes nouvelles matières et j’y ai rencontré mon meilleur ami (geek, travailleur, super marrant et qui ne me jugeait pas). Même si c’était une période intense pour moi due au travail, je me sentais bien mieux dans mes études et le seul point négatif était cette compétition constante entre les élèves. Néanmoins j’étais torturé sur le plan personnel. Mes insomnies étaient de plus en plus fréquentes, j’avais énormément de questions dans ma tête et beaucoup de pensées que je n’arrivais pas à taire. Je ne comprenais pas ce qui se passait, pourquoi j’étais différent, pourquoi les autres avaient l’air de “s’amuser” sans se poser de questions… J’étais véritablement déprimé par moment et pourtant je retenais mon chagrin pour être comme les autres, dur, viril et masculin… Je me comparais tout le temps, je voulais changer pour devenir comme les autres alors que finalement tout allait bien chez moi… Mais ça je l’ai compris bien plus tard. 

Ensuite il y a les expériences de la vie, j’ai continué mes études, commencé à travailler, toujours avec de belles rencontres et de nouvelles personnes sur qui compter. J’avais toujours tout de même quelques remarques de la part des autres. “Pourquoi tu te prends autant la tête ? T’es vraiment trop sensible ! On peut rien te dire sans que tu le prennes mal ! Mais pourquoi tu pleures ?” Oui, c’est vrai pourquoi je pleure ? Pourquoi je sens cette angoisse, ou cette joie immense, cette tristesse inconsolable, cette envolée mélancolique ?  

Et puis j’ai fait la découverte de ma haute sensibilité et avec le temps je l’ai acceptée. Je suis comme libéré aujourd’hui, je suis ce que je suis et je n’essaye plus d’être quelqu’un d’autre. Mais ce David qui s’est accepté, je le dois aussi à beaucoup de personnes qui m’entourent, qui sont bienveillantes et ne pointent pas du doigt ma singularité. Je les ai choisi, ils m’ont choisi, c’est un cercle vertueux. Néanmoins malgré mon acceptation je continue de pleurer, et plus je m’accepte, plus je pleure. Et je me sens vraiment ridicule encore parfois quand ça arrive. Un jour une personne m’a dit : “pleure David, tu en as besoin, ça te fait du bien et tu as ce don de pouvoir le faire. Certaines personnes sont incapables de pleurer. Pleurer c’est ce qui te rend humain.” Ces paroles ont résonné en moi, je n’avais jamais envisagé que pleurer puisse être un “don”. D’autant plus étrange que ces paroles venaient d’une personne plutôt néfaste pour moi. Je n’ai plus honte de le dire d’ailleurs. Mes amis m’ont déjà vu pleurer, même si je me sens honteux ou gêné quand ça arrive, mais ça doit sortir. Il n’y a qu’au travail que j’arrive à retenir mes larmes. Quand je sens que ça monte je vais faire un tour dehors et/ou je m’enferme un temps dans les toilettes pour retrouver mon calme. 

Fondre en larme est naturel pour moi et par moment j’en ai grand besoin si je veux me libérer de certaines pressions. J’ai d’ailleurs compris qu’il faut que j’explose en sanglots si je veux mieux avancer et retrouver le sourire. Ne sachant pas bien exprimer certaines émotions, c’est le moyen que j’ai trouvé pour le faire. Que ça soit de grandes joies ou de grandes peines, je pleure. C’est rarement en public car je suis plutôt pudique là dessus, tout seul c’est quand même plus facile de fondre à grandes eaux. Une musique, un souvenir, une scène émouvante ou violente et c’est parti pour les larmes de crocodiles. Et je n’ai pas honte de le dire, je suis un homme qui pleure et je suis un homme sensible. Et au-delà d’être un homme, je suis une personne hautement sensible. Et si vous saviez à quel point je gratifie mon cerveau d’être un grand émotif, car en dehors des questionnements constants, des émotions intenses et de cette incapacité à prendre de grandes décisions, il y a ces moments de grands émerveillements, cette plénitude intense face à un petit rayon de soleil, cet amour passionnant pour tout. Des fois je me dis, comment font les autres, comment pensent ces gens fonceurs qui arrivent à faire des choix rapides et logiques, qui n’ont pas l’air d’avoir peur. Comment vivent-ils ? Cependant je ne troquerais ma sensibilité pour rien au monde. Je veux qu’elle soit là chaque jour et je sais que je la chérirai toute ma vie. Même si c’est loin d’être simple par moment, que je sens que dans certains cas ma sensibilité n’est pas acceptée, je sais que j’arriverai à rebondir et qu’il ne faut pas me cacher, mais la diriger dans les cas où elle représente une vraie force pour en tirer son plein potentiel. Aujourd’hui je réalise à quel point j’ai la chance d’être entouré par de bonnes personnes qui m’acceptent tel que je suis.

Si je devais conclure cet article je dirais plusieurs choses. La haute sensibilité n’est pas une question de genre, ni même quelque chose que nous choisissons ou derrière laquelle nous pouvons nous cacher pour justifier nos comportements. Je suis hautement sensible, je ris, je crie, je pleure et je ressens intensément. Mon coeur, ou ma tête, je ne sais pas lequel parle, ressentira toujours les choses pleinement et rien que d’y penser je trouve ça merveilleux. Il y aura des jours de pluie, des jours de soleil, des jours avec, des jours sans, il y aura la vie. Un proverbe dit : “ après la pluie vient le beau temps “… Je dirais plutôt, soleil ou pluie le beau temps c’est tout le temps “.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *