Vous l’avez sans doute remarqué : il existe aujourd’hui de nombreux comptes et sites qui parlent de haute sensibilité. Et ce ne sont pas forcément des professionnels qui s’expriment, mais bien des grands sensibles passionnés par ce qu’ils ressentent.
Par ailleurs, nous retrouvons souvent des personnes très sensibles derrière de grandes causes. Je me suis d’ailleurs demandé pourquoi tant de grands sensibles ressentent ce besoin de s’engager dans une cause, et quels peuvent être les risques pour eux.
Grand essor de la haute sensibilité

Lorsque nous nous sommes lancés avec Séléné dans l’aventure Deeply Sensitive, nous étions en plein essor de la reconnaissance de la haute sensibilité. Il existait déjà de nombreux comptes dédiés à ce trait de caractère, et depuis, les plateformes se sont multipliées.
Cet engouement pour le sujet peut s’expliquer de différentes manières. Nous sortions tout juste d’une pandémie qui nous avait forcés à rester chez nous — ce qui nous a offert davantage de temps pour réfléchir. Le modèle qui valorise la performance et la maîtrise de soi a été mis en pause au profit d’un retour à soi. Bien sûr, cette période a aussi généré un certain stress, voire des traumatismes, pour ceux qui n’avaient pas l’habitude d’être confinés. Il est donc naturel que beaucoup aient ressenti le besoin de s’exprimer, de « sortir de chez eux » autrement, et de se lancer dans leurs propres projets. Toutes ces plateformes sont devenues des espaces d’échanges et ont permis à de nombreuses personnes de ne plus se sentir seules et de mettre des mots sur leurs ressentis, et de finalement comprendre qu’elles n’étaient pas « trop » (mais top).
Aujourd’hui, nous observons que la haute sensibilité n’est plus vraiment le sujet du moment. Beaucoup ont cessé d’en parler. Il y a eu un effet de mode, certes, mais aussi de véritables prises de conscience. Cette période a permis à la haute sensibilité d’être mieux connue, et à de nombreuses personnes de se découvrir et de se reconnaître. De multiples voix se sont levées, permettant à beaucoup de se faire entendre et de se sentir légitimes.
Ce qui pousse les personnes hautement sensibles
Si de nombreux grands sensibles s’expriment encore, c’est souvent parce qu’ils partagent un trait commun : le sentiment d’injustice. Une impression que la sensibilité est mise à mal dans notre société, mais aussi une révolte face à diverses problématiques écologiques, politiques, sociales ou liées à la santé mentale.
Il est donc naturel que certains choisissent de s’engager dans de grandes causes et de se tourner vers l’activisme. Nous-mêmes avons pris le parti, à travers notre blog, de tenter d’éveiller les consciences, en prônant un monde plus sensible et en soutenant des causes qui nous tiennent à cœur.
Les personnes hautement sensibles ont souvent une grande clairvoyance sur certains détails, et sont donc particulièrement attentives à ce qui ne va pas. Ressentant de manière intense les émotions désagréables comme l’injustice, elles cherchent souvent à transformer ce ressenti en action. C’est ainsi que de belles initiatives voient le jour et que certaines causes continuent de grandir. Même si notre monde paraît de plus en plus chaotique, nous remarquons tout de même un élan d’humanité, signe que la révolution sensible est en marche. Cet élan vers un monde plus humain est précieux. Mais il s’accompagne parfois de défis intérieurs, que beaucoup de grands sensibles découvrent en chemin.
Les risques de l’activisme pour les personnes hautement sensibles
En effet, pour les grands sensibles, certaines préoccupations se jouent parfois derrière l’envers du décor. Les personnes hautement sensibles ressentent tout de manière très intense, ce qui peut conduire à une grande fatigue émotionnelle.
Pour vous donner un exemple, avec Séléné, nous avons ressenti ce sentiment durant nos deux années d’absence. Même si nous adorons écrire des articles, créer des visuels et les partager sur nos réseaux sociaux, nous avons peu à peu ressenti une forme de pression mais aussi une saturation d’informations, notamment sur les réseaux. Cela nous a poussées à prendre du recul sur ce que nous faisions.
À cela, vous pouvez ajouter un sentiment de culpabilité à ne rien faire, voire une sensation d’impuissance, souvent mêlée à un syndrome du sauveur (ou du Saint-Bernard). Nous voulons trop bien faire, ou faire plus, ce qui peut vite nous conduire à être sur plusieurs fronts à la fois, sans prendre le recul nécessaire pour soi et pour se ressourcer.
Certains grands sensibles s’investissent tellement dans leurs engagements qu’ils finissent par oublier de se préserver. Et, mêlée à une grande empathie, cette implication peut amener à ressentir des émotions qui ne nous appartiennent pas, amplifiant encore la fatigue émotionnelle.
Défi des personnes hautement sensibles : être bien avec soi même avant d’être bien avec les autres
Aujourd’hui, par exemple, je me laisse plus de temps pour écrire mes articles et je ne me mets plus la pression concernant les réseaux sociaux. Ils restent pour moi un espace d’échange et de lien, mais j’essaie désormais de ne pas entrer dans le jeu des algorithmes.
Depuis que je travaille en indépendant, je suis aussi moins « connecté » et je développe davantage d’activités qui m’appellent. J’essaye surtout de m’accorder de vrais temps de repos même si la culpabilité, parfois, refait surface.
Trouver le juste équilibre entre engagement et bien-être n’est pas toujours simple, mais c’est essentiel pour ne pas se perdre dans les causes que nous voulons défendre.
Prendre du recul, ce n’est pas renoncer : c’est au contraire se donner la chance de revenir plus lucide et peut-être un peu plus soi-même.
Avec le temps, j’ai pu comprendre plusieurs choses : nous ne pouvons pas tout porter sur nos épaules, nos ressentis, les misères du monde, et encore moins sauver tout le monde. Finalement, la sagesse se trouve dans l’équilibre. On décrit souvent la haute sensibilité comme un don ou un fardeau, mais pour moi, c’est avant tout une relation : celle que nous entretenons avec nous-mêmes et avec ce qui nous entoure. Nous écoutons, nous comprenons, nous analysons… Chacun mène ses propres combats, mais il est essentiel d’apprendre à poser ses limites. La révolution sensible, finalement, ce ne sont pas forcément de grandes actions humanitaires, mais des gestes du quotidien, qu’ils soient petits ou grands, qui partent de soi pour aller vers l’extérieur. Prendre soin de soi d’abord, puis, si l’on en a l’envie, prendre soin des autres et du vivant. Alors oui, continuons d’avoir des élans du cœur. Mais n’oublions pas que la plus grande des forces part d’abord de nous. En étant en accord avec vous-même, vous rendez déjà le monde un peu meilleur.
Et si, finalement, la révolution sensible, c’était simplement prendre soin de sa santé mentale ? Car c’est là, sans doute, que réside notre véritable force.
