Grande caractéristique des personnes hautement sensibles, la sensibilité avantageuse fait partie des piliers de ce qui pourrait définir le tempérament des grands sensibles. Pour rappel, les autres piliers sont le traitement en profondeur des informations, la surstimulation pouvant conduire à une certaine fatigue, une puissance émotionnelle se traduisant par des ressentis intenses, une perception des nuances et des subtilités et enfin le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, la sensibilité avantageuse.
Définition de la sensibilité avantageuse

Mise en lumière par Michael Pluess, professeur de biologie et de psychologie expérimentale à l’université Queen Mary de Londres, « la sensibilité avantageuse désigne la capacité à profiter plus fortement des expériences favorables, qualifiées généralement de positives. Plusieurs études suggèrent que certains aspects de la sensibilité avantageuse sont façonnés par les premières influences de l’environnement de l’enfant dès sa conception ».
En d’autres termes, qu’est-ce que cela veut dire : que les personnes hautement sensibles arrivent plus facilement à profiter des bonheurs de la vie et à ressentir profondément les effets dès lors qu’ils sont dans un environnement qui favorise la sensibilité. Les enfants étant tous hautement sensibles par défaut dès leur naissance, il est donc important d’étudier cette notion de sensibilité avantageuse pour que ceux-ci puissent s’épanouir le mieux possible.
L’importance du milieu pour la sensibilité avantageuse
Comme je vous le disais précédemment, la sensibilité avantageuse prend tout son sens dans un milieu qui favorise la sensibilité. Cela peut être un entourage, mais aussi une institution, une école, etc. Et cette prédisposition de l’environnement « sensible » est très importante notamment pour les enfants. Pour rappel, tout enfant naît hautement sensible, même si tous ne garderont pas ce trait de caractère en devenant adultes, il est important de le prendre en compte. En effet, un enfant a besoin d’un cadre sécurisant dans lequel il pourra plus tard s’épanouir. Je vous donne un échange que j’ai eu avec Saverio Tomasella à ce sujet et la réponse qu’il m’a donnée : « Pour comprendre ce qu’est la « sensibilité avantageuse », je vais vous donner un exemple à partir d’un enfant hautement sensible, un enfant ultrasensible, que les chercheurs anglo-saxons appellent aussi « enfant orchidée ». Un enfant très sensible qui grandit dans un environnement de stress, de violence, de racisme, de misère, d’irrespect, de négligence ou de maltraitance, cet enfant ultrasensible sera plus souvent malade et plus longtemps malade que les autres, plus souvent blessé, plus souvent harcelé, il aura de moins bonnes relations avec les pairs (ses camarades) et aura de moins bons résultats scolaires. À l’adolescence, il risque de développer des tendances à l’anxiété, à la dépression, voire au suicide. Le même enfant très sensible, le même enfant ultrasensible, dans un environnement qui le respecte, qui le soutient, qui l’accompagne, qui l’écoute, qui le félicite, qui l’encourage, qui l’aide à être lui-même et l’accepte comme il est, cet enfant-là aura de meilleurs résultats à l’école, une meilleure santé, de très bonnes relations avec ses camarades et ne développera pas à l’adolescence une tendance à l’anxiété, à la dépression ou au suicide. »
Pour vous donner un exemple, étant enfant j’ai été élevé dans un milieu sensible. Malgré le divorce de mes parents à l’âge de 9 ans, le fait que je puisse m’exprimer et être réconforté m’a permis de grandir dans un endroit où je me sentais en sécurité et donc être qui je suis sans me soucier de ce que je devais être aux yeux des autres. Je pouvais pleurer de tristesse et être réconforté, je pouvais parler de ce qui n’allait pas sans jugement, exprimer mes goûts, etc. Ma sensibilité a toujours été acceptée dans ma famille, nombre de ses membres étant sensibles également. Et ça a été de même pour mon petit frère et ma petite sœur. Même si ma maman était très stricte par moments dans son éducation, nous savions qu’il était toujours possible de discuter avec elle. En effet, chérir la sensibilité de son enfant, ce n’est pas tout accepter. L’éducation doit aussi mettre des limites, importantes pour le développement psychique de l’enfant… Mais lui permettre d’exprimer ses émotions, de lui demander ce qu’il ressent, c’est accepter ce trait de caractère et son fonctionnement et aller dans ce sens pour que l’enfant se sente suffisamment à l’aise.
N’oublions pas que les enfants se construisent sur la base de l’environnement dans lequel ils grandissent, et reproduisent souvent par mimétisme ce qu’ils voient, ce qu’ils écoutent. Quand bien même un enfant grandit dans un milieu sécurisant sa sensibilité, nous grandissons et nous vivons tous par la suite en société. Nous sommes tous confrontés au monde extérieur, qui n’accepte pas toujours la sensibilité. Mais que se passe-t-il dans ce cas-là ?
La sensibilité avantageuse quand on est adulte
Comme dit précédemment, tout grand sensible est à un moment confronté au monde extérieur qui n’encourage pas forcément la sensibilité. Ce qui peut créer une grande souffrance chez beaucoup de personnes hautement sensibles : une sensation d’être différent, d’être trop ou pas assez, de prendre tout à cœur facilement, de ne pas se sentir adapté… Notamment durant l’adolescence, où pour ma part la différence avec les autres jeunes hommes de mon âge a été particulièrement dure à gérer. Ajoutez à cela que souvent, on vous pointe du doigt et on vous fait sentir différent, cela peut devenir davantage compliqué.
Si enfant il en était de la responsabilité des parents de nous sécuriser (pour peu que nous fussions dans une famille avec des parents aimants), devenant adulte, c’est à nous de construire notre cadre. Le foyer, l’entourage, la vie professionnelle sont autant de paramètres que nous pouvons choisir pour nous sentir à notre place et profiter de cette sensibilité avantageuse. Alors sans doute que ma vision est utopique : nous n’avons malheureusement pas tous la possibilité de mener une vie que nous souhaiterions et l’instinct de le faire.
Dans le cadre d’un enfant élevé dans un milieu sécurisant, je pense qu’il est plus facile de se construire, une fois adulte, une vie qui sécurise nos ressentis et nos caractères sensibles. En choisissant un entourage qui nous accepte tels que l’on est, en construisant un foyer doux et soyeux qui ne nous surstimule pas, en optant pour une vie professionnelle plus en adéquation avec nous-même. Quand nous avons eu un premier exemple durant l’enfance, c’est plus facile de le reproduire une fois adulte. Mais pour des enfants qui n’ont jamais vu leur sensibilité acceptée, cette quête d’un lieu sécurisant est plus compliquée… En effet, comme le disait Saverio, ils sont plus enclins à l’anxiété et à la dépression, voire à des conduites suicidaires.
C’est pour cela qu’il est important d’éduquer sur la sensibilité et l’empathie de manière générale. Cela peut éventuellement ouvrir des pistes, des recherches mais aussi des rencontres qui peuvent sauver un enfant ou un adolescent. Pour ceux qui arrivent à surmonter tout ça avec une force incroyable et qui deviennent adultes, le sentiment d’inconfort se prolonge et peut mener à des vies extrêmement compliquées, avec beaucoup de souffrance. C’est notamment ce que je peux observer lors de commentaires ou de rencontres d’autres personnes sensibles. Lors d’une rencontre pendant la semaine de la sensibilité, beaucoup de personnes sensibles nous font part de leur souffrance à vivre dans cette société. Et ce fut également le cas pour moi. Beaucoup n’ont pas cette éducation et ne comprennent pas leur propre fonctionnement. Mais je vous rassure : tout le monde peut construire un foyer valorisant sa sensibilité, quelle que soit l’éducation que nous avons eue. De par vous-même, avec l’aide d’un proche ou d’un professionnel de santé mentale, chacun peut trouver une safe place dans laquelle il se sent bien.
C’est là tout l’intérêt de notre travail : rendre accessible la bibliographie autour de la haute sensibilité et nos témoignages pour montrer qu’il est possible de vivre dans cette société avec sa haute sensibilité et de pouvoir construire son propre endroit sécure en se révélant à soi-même, dans un premier temps. Mais notre société joue aussi un rôle important dans la reconnaissance des personnes hautement sensibles et pour les aider dans leur développement.
Sensibilité avantageuse et société
Notre société actuelle est standardisée. Elle nous apprend dès le plus jeune âge à rentrer dans des cases et à être « rentable », laissant peu de place aux émotions et aux expressions de notre sensibilité. C’est difficile dans ces conditions dans lesquelles nous passons souvent une grande partie de notre existence à nous sentir en sécurité, compris et reconnus. Et actuellement nous nous rendons compte qu’il y a de grandes limites à ce fonctionnement, qui se traduisent par de forts taux de burn-out mais aussi un taux de suicide en constante augmentation, notamment chez les jeunes. Même si aujourd’hui, les questions autour de la santé mentale prennent de plus en plus de place dans les préoccupations, il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Et si notre rapport à la sensibilité était l’une des solutions ? Certes, elle ne réglerait pas tout, mais je pense qu’elle pourrait grandement ouvrir à un monde beaucoup plus serein.
Si, par exemple, nous faisons de nos classes un lieu d’apprentissage mais aussi d’expression pour les jeunes, peut-être aurons-nous davantage de jeunes plus confiants, moins anxieux, qui, une fois arrivés dans leur vie d’adulte, auront davantage de valeurs humaines. Les jeunes seraient dans un cadre où ils se sentiraient en sécurité et où l’expression des émotions se ferait librement sans jugement. Ainsi nous apprendrions à nos élèves que chacun est différent, entraînant ainsi plus de tolérance et moins de harcèlement. Nous préparerions ainsi des adultes plus empathiques, qui reproduiraient ce cadre précédemment dans leur quotidien, chez eux comme au travail.
Car oui, avec la sensibilité avantageuse nous avons tout à y gagner. Plus d’épanouissement, un meilleur équilibre, moins d’anxiété, des émotions propices à une meilleure efficacité au travail mais aussi de meilleurs rapports dans une équipe. Alors certes tout ceci peut paraître utopique… Pourtant je suis sûr que si on s’y intéresse, il peut y avoir de nombreux avantages pour tout le monde. D’ailleurs, notre consœur professeure des écoles Alexandra Devaux a déjà mis en place dans ses classes ce type de fonctionnement. Vous pouvez retrouver ses textes sur le site de l’Observatoire de la Sensibilité.
Même si la société a un grand rôle à jouer dans la reconnaissance de la sensibilité, c’est aussi un travail de chacun : accepter que nos collègues et amis fonctionnent différemment, que nos enfants ont tous leur caractère et qu’il ne faut pas les surprotéger du monde extérieur mais les accompagner et les écouter. Finalement, dès à présent, nous pouvons construire un lieu où la sensibilité avantageuse profiterait à tous. Si aujourd’hui vous ne vous sentez pas dans un cadre épanouissant, sachez qu’il en existe forcément un pour vous quelque part et que vous pouvez totalement le construire. Qu’il y aura toujours des personnes pour vous écouter.
Même si Deeply Sensitive n’est pas un lieu à proprement parler, nous espérons qu’avec toutes les ressources disponibles sur notre blog et vos écrits, cela créera chez vous, dans votre cœur, un lieu de refuge où vous ne vous sentez pas seul, et où votre manière de ressentir est légitime.
