Hautement Sensible en souffrance

Lors de la journée mondiale de la sensibilité le 13 janvier dernier, j’ai pu me rendre à un évènement organisé par l’Observatoire de la Sensibilité. Cela fait un moment maintenant que l’événement est passé et pourtant je me souviens toujours de celui-ci tant il fut riche en émotion. J’ai pu écouter de nombreux intervenants et une table ronde particulièrement intéressante, mais aussi les nombreux témoignages des visiteurs. Dans la plupart, il y avait beaucoup de souffrance et d’incompréhension de leur caractère sensible. Ces personnes étaient venues chercher des réponses en quelque sorte. Je me souviens également d’une conversation que j’ai eue au sujet de la haute sensibilité avec une personne et il se dégageait la même souffrance. Ayant moi-même beaucoup souffert avant de mettre des mots sur ma sensibilité élevée, je me suis posé une question : Être hautement sensible nous fait-il souffrir ? Je vais tenter de répondre à cette question.

Si je reviens sur les témoignages que nous avons bien souvent sur Deeply Sensitive ou durant cette fameuse journée mondiale de la Sensibilité, beaucoup de personnes sensibles sont en effet en souffrance. Je me suis mis alors à analyser leurs réponses ou leurs paroles pour comprendre d’où provenait cette souffrance. Nous pourrions croire que c’est de ressentir vivement nos émotions mais ça n’est pas vraiment. Vous vous souvenez des remarques de ce genre : « tu es trop… / tu n’es pas assez… / tu ne devrais pas te mettre dans un tel état… ». C’est incroyable comment ces reproches sont souvent lancés auprès des personnes hautement sensibles et accompagnent les témoignages. Notre société, construite sur un modèle qui laisse peu de place (voire aucune) aux émotions, à la sensibilité et à la singularité renvoie une image négative des personnes hautement sensibles car différentes de la “normale”. Nous dénotons par rapport au reste, et quand nous dénotons, nous sommes souvent la personne montrée du doigt. La plupart des hommes sensibles souffrent de la masculinité toxique mise en place depuis des années et les femmes sensibles du fait qu’elles expriment clairement leurs émotions. Nous ne souffrons donc pas de ressentir nos émotions mais de l’incompréhension des personnes qui fonctionnent différemment. Cette incompréhension de la société peut mener les personnes hautement à la solitude et à l’isolement et ce dès le plus jeune âge. Cette sensation peut devenir dangereuse quel que soit l’âge. J’avais cru que les choses s’amélioreraient après le confinement, la haute sensibilité ayant une meilleure visibilité. Néanmoins j’ai l’impression que l’actualité (guerre, catastrophe naturelle, contexte économique) a quelque peu éclipsé les questions des émotions et de la sensibilité au quotidien. Pourtant nous entendons encore des jeunes qui se suicident car ils sont harcelés dans leurs établissements scolaires ou encore des dernièrement un homme homosexuel qui n’en pouvait plus de se sentir différent. Même si certains continuent à en parler, j’ai l’impression que les médias prêtent moins d’attention et que l’effet de mode autour de la haute sensibilité s’estompe. C’est pourquoi il est important de continuer d’en parler, de témoigner et d’exprimer ses émotions. De montrer également de plus en plus d’exemples de personnes sensibles pour que certains puissent trouver des “modèles” à suivre.

Ce manque d’exemple parlons-en. Une personne m’a trouvé sur mon Instagram personnel et a pu voir également ce que je fais sur Deeply Sensitive. Intriguée, elle m’a fait par en message privé de sa sensibilité et qu’elle avait beaucoup de mal avec ses émotions et qu’elle ressentait un décalage avec les autres. “Comment tu fais ?” Difficile de répondre à cette question tant il a fallu que je passe par différentes étapes pour accepter totalement ma singularité et ma haute sensibilité. J’ai tenté de lui expliquer que toutes les émotions sont importantes même celles qui sont désagréables. C’est souvent ces émotions désagréables qui ressortent des témoignages et l’impression qu’elles ne ressentent que ça. Elles se concentrent sur ce décalage avec le monde qui les entoure, oubliant les aspects positifs. Les sentiments désagréables prennent de plus en plus d’ampleur… J’ai donc rassuré cette personne en lui disant que ressentir c’est normal et que c’est un cadeau d’en avoir conscience. Je lui ai demandé de se rappeler des bons souvenirs et quelles sensations ça lui procurait. Car oui une personne hautement sensible ressent également les émotions agréables très intensément. Je l’ai bien entendu conseillé quelques ouvrages pour la rassurer et lui montrer qu’elle n’est pas toute seule. Nous ne sommes pas des ovnis ou seuls au monde. C’est pourquoi il est important de créer des journées, des rencontres, des conférences, des blogs, des podcasts, des comptes Instagram, etc ; pour montrer que non vous n’êtes pas seules. Il est aussi primordial de parler de ce que nous ressentons librement. Des personnes vous jugeront sans doute et vous le feront remarquer. Mais plus nous parlerons de ce que nous ressentons, plus d’autres en feront de même. Le travail que nous produisons sur Deeply Sensitive va dans ce sens. Quand nous l’avons conçu, nous voulions également que de nos lecteurs et lectrices puissent témoigner. Les prises de parole libèrent et montrent que nous sommes tous uniques et que chacun fait son chemin à sa manière.

Je tenais vraiment à faire cet article, car je sais à quel point nous pouvons être perdus. Il résonne d’autant plus car à l’heure où j’écris cette conclusion j’ai lu la lettre déchirante de cet homme qui s’est donné car il se sentait seul et en décalage. Il ne faut pas culpabiliser d’être hautement sensible, bien au contraire cela montre à quel point nous sommes humains. Et nous avons grandement besoin d’humanité dans ce monde. Votre sensibilité est un cadeau, n’hésitez pas à la chérir, à ressentir toutes les émotions. Quoique les autres vous disent, vous n’êtes pas trop, vous êtes top !