Il m’est arrivé ce qui arrive à beaucoup de jeunes de nos jours je crois : à l’issue de mes études, j’ai perdu toute envie d’exercer le métier pour lequel je m’étais formée. J’ai eu besoin d’une pause radicale. Cinq années d’études, de dur labeur, d’innombrables heures passées en bibliothèque, à rédiger mémoires de fin d’étude, lettres de motivation pour trouver job d’été et stages… Après cinq années de hautes études, le diplôme en poche, j’ai tout arrêté. J’étais fatiguée. Épuisée intellectuellement et mentalement, corporellement marquée par l’angoisse et le stress. J’ai décidé de dire stop.
J’ai d’abord pris quelques mois pour moi (trois pour être honnête), pendant lesquels je n’ai R-I-E-N fait. J’ai pris ce “rien” comme un souffle de légèreté et de rétablissement. J’ai pris ce “rien” pour prendre soin de moi. Si d’un côté j’étais fière d’avoir écouté tous les signaux que mon corps m’avait envoyés pour prendre soin de moi, la société (et surtout ma famille, disons-le) me mettait une forte pression pour qu’enfin, je trouve un travail. Il m’a été difficile de prendre soin de moi, de m’octroyer une pause mentale nécessaire, lorsqu’en même temps, on me rabâchait tous les deux jours : “Alors, tu cherches du travail?”, “As tu envoyé des lettres de motivation?”, “Tu sais, je connais untel, dis moi si tu veux que je le contacte pour toi.”, “bla-bla-bla”… A croire que j’aurais dû couper tout contact social pour enfin être tranquille. Il est déjà assez difficile de se fiche la paix à soi-même, alors si nous nous facilitions les choses en fichant la paix aux autres ? (Coucou Fabrice Midal!). Après tout, qu’est-ce que trois mois dans une vie, à ne pas travailler ? Je suis à l’école depuis mes trois ans, j’ai étudié pendant vingt-deux ans pour enfin avoir un diplôme, j’ai travaillé de nombreux étés pour financer ces dites études, je pense que cette pause était loin d’être un caprice, et qu’elle était bénéfique à mon rétablissement psychologique. C’est chose dite !
Malgré les questions incessantes de certains proches au sujet du travail, j’ai profité de ces trois mois. Pour être honnête, je n’avais pas prévu que cela durerait trois mois. Un matin, je me suis levée, et je me suis sentie prête à avancer. Je me suis dit que j’étais bien reposée, j’avais retrouvé mes esprits, mon envie de travailler. Alors j’ai débuté mes recherches. Je ne voulais pas de quelque chose de compliqué qui me demande une charge mentale énorme, car psychologiquement, je n’étais pas prête à cela. Pas encore. J’avais trop trimé pendant mes deux dernières années d’étude pour revenir à un cercle infernal de responsabilités. J’ai postulé pour des jobs “faciles”. C’est comme ça que j’ai trouvé mon poste actuel : je fais de la médiation culturelle et de l’accueil dans une trentaine de lieux culturels parisiens. Lors de mon entretien, ma manager m’a demandé : “N’avez-vous pas peur de vous ennuyer avec vos qualifications et votre niveau d’étude ?”. Question légitime, mais non, j’avais besoin de changement.
Au fil des jours et de mes rencontres avec de nouveaux collègues, je me suis aperçue qu’on me demandait beaucoup mon parcours professionnel, et lorsque je répondais que j’avais fait ci, fait ça, avec un master d’histoire de l’art en poche, tous les regards étaient surpris. Tous me demandaient ce que je faisais là. A commencé à émerger en moi une forme de honte. Honte d’être là. Honte d’avoir un job “facile”, sans charge mentale, honte d’avoir un salaire plus bas que ce que mon diplôme pourrait me donner. J’avais honte de faire un travail qui me faisait pourtant du bien au fond de moi. De plus en plus honte. Et j’ai commencé à m’en vouloir d’avoir honte, d’avoir pris ce travail car, oui, je sais que je mérite mieux, mais en même temps pourquoi pas si cela me plaît ? J’ai commencé à partir dans des analyses du type : “Et si j’avais peur de réussir et de bien gagner ma vie grâce à mes compétences et mon savoir?”, “Et si je me cachais par facilité?”, ”Bla-bla-bla”… Pourquoi les gens nous font à ce point culpabiliser ? Et pourquoi est-ce que je culpabilise autant pour tout et pour rien dans ma vie ? Pourquoi est-ce que je me sens inférieure à exercer un job qui me fait du bien ? Je suis au contact des gens, et j’adore ça; J’adore les voir s’émerveiller devant les œuvres, j’adore que les enfants posent des questions et écoutent les réponses avec attention; j’adore le fait de changer de musées presque tous les jours pour faire mon travail car la routine ne me convient pas; comme pour tout, il y a des inconvénients, mais rien n’est jamais parfait. Ce que j’aime surtout dans ce travail, c’est l’avantage mental qu’il a sur moi : mon esprit est libéré. Ma charge mentale professionnelle s’approche de zéro, et c’est cela que je suis venue chercher dans ce job post-étude. Si vous saviez comme ça fait du bien …! Avec ce job, j’ai aussi fait de magnifiques rencontres et c’est ce qui m’a le plus manqué ces deux dernières années. Ayant eu les cours à la maison pendant les confinements, et étant en rédaction permanente, je suis restée beaucoup de temps enfermée et seule. Ce n’est qu’au début de cette année que grâce à ce nouveau job, je suis sortie de ma bulle. C’est d’ailleurs le titre d’un article que j’ai rédigé il y a plusieurs mois mais que je n’ai pas encore osé publier… J’y songerais peut-être. Bref, ce travail m’a apporté de grands bénéfices concernant mon cheminement personnel, et c’est là le principal à mes yeux. Me sentir bien et me sentir avancer.
Aujourd’hui, malgré les protestations, les réflexions désobligeantes que j’ai eues pour exercer ce job, malgré le sentiment de honte et de culpabilité que cela a généré en moi, je suis fière d’avoir su écouter mes besoins et mon corps afin de mettre de côté ma fatigue mentale, accumulée et ancrée en moi pendant deux ans.
Aujourd’hui, j’essaie de ne pas avoir honte même si cela me rattrape parfois, j’essaie de me concentrer sur MOI, et pas sur ce que me disent les autres, bien que cela ne soit pas facile. Et surtout, je reste à l’écoute de moi-même et de mes besoins, car qui sait où ils me mèneront ensuite et quelles belles découvertes je vivrais grâce à cela…
3 conseils à tirer de cet article :
- J’ai décidé de ne pas écouter les autres et de poursuivre mon cheminement. J’ai écouté mes besoins.
- Je ne me suis pas laissée démonter par les remarques négatives, je me suis rappelée pourquoi j’avais choisi ce travail. Je me suis affirmée.
- Je ressens des émotions négatives telles que la honte, et même si cela m’est désagréable, je me dis que c’est normal. Je me questionne, et cela me permet d’avancer. J’accepte mes ressentis.
→ Tout cela m’a permis d’être moi. J’ai osé être moi, et je m’en remercie ! Essayez, libérez-vous, ça fait tant de bien…