J’ai d’abord voulu intituler mon article “Régurgiter ses émotions”, pour adoucir, mais j’ai finalement décidé d’être crue car ce que j’ai vécu a été aussi brut que ce mot. Mot que je débecte pourtant, car visuelle comme je suis, j’ai tout de suite des images dégoûtantes qui me viennent en tête, des odeurs aussi, et beurkkkk, vite je passe au paragraphe suivant.
Là où mon émotivité est le plus mise à l’épreuve, c’est sans surprise sur mon lieu de travail. Pour rappel, je travaille dans la culture et les musées. A chaque personne médisante et désagréable, j’ai beau connaître l’être humain, je suis toujours surprise par la méchanceté des gens… Je ne comprends simplement pas comment quelqu’un qui vient passer du bon temps au musée peut se comporter mal avec un.e inconnu.e. Heureusement, c’est une minorité. Toujours est-il que la dernière fois, une dame particulièrement hautaine et froide est venue me parler et m’a fait comprendre, pour une raison sans importance, que je ne faisais pas correctement mon travail, qui n’est pourtant pas si compliqué selon elle. Elle a été très condescendante et m’a fait la morale. Très étonnée de ce comportement, j’ai été percutée en pleine face. Je ne l’ai pas pris personnellement, car je sais bien que certaines personnes sont quoi qu’il arrive désagréables, et je sais que je fais bien mon travail. Mais mon émotion était là. Je l’ai sentie monter en moi. Une fois la dame partie, j’ai continué mon travail auprès d’autres visiteurs, mais plus ça allait, plus je sentais mes larmes monter. En temps normal, je ne les aurais pas contenues, mais il se trouve que j’étais seule à accompagner les visiteurs à ce moment-là, et si je me mettais à pleurer, alors il n’y aurait plus eu personne. N’ayant pas l’habitude de réprimer mes émotions, celle que j’ai eu à ce moment-là s’est intensifiée très rapidement.
Ma collègue devait revenir dans 5min. Je guettais l’heure et n’avais qu’une hâte, qu’on vienne me relever pour que je puisse aller déverser mes larmes et mon émotion tranquillement. Malheureusement, mon émotion n’a pas attendue 5min, et ma voix s’est mise à trembler alors que j’accompagnais une dame très gentille, qui a vu que quelque chose n’allait pas mais qui n’a pas osé demander pourquoi. Des larmes se sont mises à couler toutes seules sur mes joues, tandis que je me forçais à sourire à la dame. Au même moment, ma collègue est revenue, comme un ange gardien, et mon corps s’est dit “c’est ok quelqu’un va prendre la relève, on peut lâcher les vannes!”, et je me suis mise à pleurer instantanément. Je me suis levée, j’ai demandé à ma collègue de finir avec la dame, qui demandait si j’allais bien. J’ai vu ma collègue acquiescer, ne comprenant pas trop ce qui se passait. Elle m’a demandé si j’allais bien, j’ai dit “oui” d’une voix étouffée, car j’allais bien, j’avais juste besoin d’aller faire sortir cette émotion. Le problème est que j’avais trop longtemps retenu cette émotion qui ne demandait qu’à sortir malgré mes efforts, et comme souvent quand je pleure trop fort, j’ai envie de vomir et j’ai des hauts le cœur. Là je ne pleurais pas très fort, mais j’avais tellement contenu l’émotion pendant les minutes d’avant, que mon corps s’est dit “ah non, ce truc désagréable, je n’en veux pas!” et il m’a fait vomir pour la sortir. Sur le coup, évidemment, c’est un mauvais moment à passer, mais au moins, après ça allait beaucoup mieux.
J’ai découvert ce jour-là que j’avais énormément de mal à retenir mes émotions, ayant pris l’habitude de les exprimer et de les accueillir. Il y a encore quelques années, j’arrivais à contenir mes larmes très facilement pendant des heures, si ce n’est plus. Aujourd’hui, j’ai tellement intégré ma sensibilité que même mon corps ne supporte plus aucune émotion refoulée, et me le fait vite comprendre… C’est fou non? La puissance du corps et de son lien avec notre esprit me fascine.
Et vous, vous est-il déjà arrivé de régurgiter vos émotions ?