J’ai découvert l’histoire de l’art assez tardivement : au collège. Je m’en souviens très bien, c’était en cours d’arts plastiques. J’avais une super professeure qui au lieu des travaux pratiques habituels avait décidé de nous faire un cours sur l’art et sa signification. Les premières oeuvres qu’elle nous a montré et qui m’ont beaucoup marquées étaient des oeuvres d’Otto Dix, un artiste allemand dont l’oeuvre est profondément marquée par la guerre. Ses oeuvres ont bien souvent un côté très sombre, très dérangeant voire effrayant. Ses gueules cassées, Les joueurs de Skat (huile et collage sur toile, 1920, H. 110 cm ; L. 88 cm, Neue Nationalgalerie, Berlin) ou encore Le Bataillon d’assaut à l’attaque sous les gaz (pointe sèche et aquatinte, 1924, H. 35 cm ; L. 48 cm, Zeppelin Museum, Friedrichshafen) m’ont vraiment marquée. Je les revois très bien projetée au tableau de la salle de classe. Je me souviens avoir été effrayée par les joueurs de skat, puis avoir eu de la compassion pour ces soldats revenus démembrés et traumatisés par la guerre et ses ravages. Je me souviens avoir pensé “mais pourquoi font-ils ça [les humains] ?”. J’avais adoré que la prof nous raconte les oeuvres, découvrir la vie de l’artiste et ainsi comprendre sa démarche artistique… Cela m’avait profondément touchée et intéressée. Je ne sais plus si à ce moment-là je m’étais dit que je voulais faire ça plus tard, mais en tout cas, j’avais trouvé ça absolument génial. Petite, je n’allais pas trop dans les musées. Je n’ai pas eu la chance de partir beaucoup en vacances et donc je ne visitais pas beaucoup de choses. Voir ces oeuvres était donc tout nouveau pour moi, et d’une certaine manière, l’histoire de l’art ne m’a plus jamais quitté après ça.
Petite, j’adorais les films d’aventure et de chercheurs de trésor. J’ai toujours aimé les antiquités, les vieux objets, les fossiles… Ma passion était d’aller au musée d’Histoire Naturelle. Je ne m’en lassais jamais. Je voulais être archéologue, je voulais trouver des dinosaures… Dans le jardin de mes grands-parents à la campagne, je fouillais partout dans l’espoir de trouver des choses… Tout ce que j’ai trouvé un jour, c’était un vieux pot à lait tout rouillé et à moitié décomposé qui devait être là depuis des années, et des petits fossiles, surtout des ammonites. Le jour où j’ai trouvé une énorme ammonite dans une petite source au fond du jardin, j’étais plus qu’heureuse !! Et le jour où j’ai trouvé une corne de vache en me baladant dans un pré, j’avais eu l’impression de trouver un trésor… Bref, si je vous raconte ça, c’est qu’à la fin du lycée, il a bien fallu choisir dans quelle voie je souhaitais m’orienter… C’est presque naturellement que l’histoire de l’art et l’archéologie se sont imposés d’eux mêmes. Je ne sais pas vraiment s’il s’agissait d’une évidence, mais je ne voyais pas quoi faire d’autre… Pour être sûre d’être acceptée dans une université, il avait fallu formuler plusieurs voeux. Je crois bien que j’avais demandé toutes les facs de France qui proposaient un programme dans cette discipline, et au cas où, j’avais aussi demandé psychologie et sociologie. Finalement, j’ai été accepté à mon premier vœux, et j’allais entamer mes études d’histoire de l’art à Paris.
Je vous passe le stress de mon premier jour à la fac et le test de culture artistique qu’ils nous ont fait passer… J’avais à peine trois réponses de bonnes sur une dizaine. Je ne connaissais rien, alors que tous les autres avaient l’air de tout savoir… Il y avait du chemin à faire. Heureusement, j’étais là pour apprendre. Alors j’ai appris. Et j’ai vite été frustrée car je me suis rendue compte que c’était impossible de tout savoir sur un sujet tant nous en avions à connaître. Quand j’aime quelque chose, j’ai besoin d’en savoir beaucoup. J’ai soif d’apprendre, je veux aller au bout des choses. Mais je n’avais pas le temps pour ça. Ca été un peu difficile à gérer, je vous l’accorde ! En règle générale, j’ai quand même adoré ma licence. Je découvrais des nouvelles choses tous les jours, j’étudiais dans de magnifiques locaux et une superbe bibliothèque… J’étais aux anges. Cependant, plus j’avançais dans mon parcours universitaire, plus je me rendais compte que l’histoire de l’art était un milieu assez fermé et élitiste. Beaucoup de professeurs, conservateurs ou chercheurs se croyaient au-dessus de tout le monde car eux avaient le savoir que nous n’avions pas, nous autres étudiants, et encore moins le grand public. J’ai détesté ça. Je n’aime pas qu’on prenne les gens de haut, qui que nous soyons sur Terre, nous avons tous des choses à apprendre, aucune personne ne détient tout le savoir. Ce serait malhonnête de vous dire que moi aussi, citoyenne d’une petite ville de seine et marne, n’ai pas été attirée par le côté presque bourgeois que l’on retrouve dans ce milieu. J’ai adoré aller aux vernissages, pouvoir accéder à des endroits interdits au public… Mais j’ai vite déchanté, et je ne savais plus si j’étais faite pour ce milieu. J’ai connu une longue période de doute et de remise en question sur mon avenir, à savoir que je remets mon avenir en perspective à peu près tous les deux mois car j’ai une nature assez angoissée !…
Aujourd’hui, je ne regrette absolument pas d’avoir fait de l’histoire de l’art. J’aime profondément cette discipline. A travers l’art, c’est incroyable le nombre de choses que l’on apprend sur une période, une civilisation, les mœurs… L’histoire de l’art touche beaucoup de frontières d’autres disciplines, dont la sociologie qui nous permet de comprendre comment fonctionnaient les sociétés du passé. Ce que je déplore néanmoins, c’est le fait que l’art soit trop souvent mis sur un piédestal. Bien sûr, connaître l’histoire est indispensable pour comprendre une œuvre et lire une œuvre s’apprend, mais absolument tout le monde est capable de ressentir l’art. L’art est pour tout le monde et devrait être accessible à toutes et tous. Je regrette, et c’est très personnel, que certains chefs d’œuvres soient conservés dans des collections particulières et que le reste du monde en soit privé, je regrette aussi que l’on mette un prix sur l’art, une œuvre ou un artiste. L’art ne devrait pas avoir de prix… Mais je m’égare.
D’ailleurs, la crise sanitaire nous a montré que l’art n’avait pas de prix, puisque nous en avons tous été privés. Plus de cinémas, de galeries, de musées, de bibliothèques… Si certains lieux ont rouverts, d’autres non, et il nous ont quand même bien manqué. Finalement, ce qui nous a le plus manqué pendant les confinements (à part nos proches) sont les lieux de culture. Pourquoi ? Pourquoi l’art nous a-t-il tant manqué ? Ne serait-ce pas car nous avons été privés de beauté ? Enfermés chez nous, face aux actualités négatives, nous n’avions plus beaucoup d’échappatoires. J’écoutais un épisode du podcast Métamorphose dernièrement, avec comme invité Christophe André et Laurent Gounelle, et il était dit que la beauté, de manière générale, nous sortait de notre matérialisme utilitariste, car l’art, comme la beauté ne servent à rien. Ils ne servent à rien et pourtant, chacun.e de nous, s’il est touché.e par la beauté peut sentir son importance et cela a le pouvoir de bouleverser notre hiérarchie de valeur. Ils ne servent à rien, mais on ne peut pas vivre sans. Lorsqu’on est touché.e par la beauté, que ce soit un tableau, une personne, un arbre, un animal ou une musique, à un moment donné, on se sent transporté. Laurent Gounelle disait qu’il y a une chose qui nous transcende et nous mène en dehors de nous mêmes. Cela m’a interpellé, car effectivement, pendant la crise sanitaire et de manière générale, nous passons beaucoup de temps à l’intérieur de nous-mêmes, peut-être trop, et l’art et la beauté nous invitent à nous surpasser, à réaliser qu’il existe des choses au-delà de nous. L’art nous connecte à quelque chose de plus grand que nous, quelque chose qui nous dépasse. D’ailleurs, si on part par là, la nature a le même pouvoir sur nous, voire davantage car elle a ce quelque chose en plus qu’elle éveille tous nos sens… Mais c’est un autre sujet. Lorsque j’ai écouté cet épisode de Métamorphose, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que beaucoup de podcasts ces derniers temps parlent de la beauté, de sa nécessité, du bien qu’elle profère. J’ai vraiment entendu beaucoup de témoignages parlant de la beauté comme quelque chose de presque vital. Je dois dire que c’est tout à fait logique et naturel pour moi quand j’y pense, et pour au temps, je n’avais jamais vraiment mis les mots dessus.
Revenons-en à l’art et à l’histoire de l’art. Ce que j’aime avec cette discipline, c’est que parfois, bien que le sens profond d’une œuvre nous échappe, cela n’empêche personne d’être touché, de ressentir des émotions face une œuvre, et ce, au-delà de sa signification. Je suis d’ailleurs toujours surprise de ce que peuvent dire et penser les enfants d’une œuvre… Ils sont si surprenants…
Au fil de cet article, je crois que je me suis un peu perdue… Mais je crois que vous aurez compris mon message : l’art, c’est pour tout le monde, qui qu’on soit et peu importe l’âge. Dans cette idée, avec David, nous lançons une toute nouvelle chronique dès ce mercredi… Restez connectés !