Il m’aura fallu presque deux ans… Deux ans pour ne plus sentir l’emprise de mon ancienne relation et m’en remettre. Ça a été un long chemin, non sans mal… Beaucoup de remises en question, de pleurs, de colères… Mais au final je crois que toutes ces étapes ont été importantes pour ma reconstruction. Aujourd’hui je me sens beaucoup mieux, beaucoup plus sûr de moi, j’ai totalement accepté les différents aspects de ma personnalité, y compris ma haute sensibilité. J’ai tenté d’affronter la solitude, de me forcer à être seul pour être bien avec moi-même avant d’être bien avec quelqu’un. Sans doute que certains traumatismes sont encore présents… Mais je me laisse le temps de les guérir au fur et à mesure.
À certains moments je me suis senti prêt à vivre d’autres relations, sauf que je ne l’étais pas vraiment. J’ai tout de même fait quelques rencontres mais sans grand succès, me surprenant même à ne pas m’investir. Pour la plupart de ces rencontres je suis passé par des applications. Quand on est un grand timide comme moi, c’est plus facile. Refaire mon profil était assez marrant : j’y évoque quelques passions, un message sur la masculinité toxique (si ça peut faire changer quelques avis) et ma haute sensibilité. Une description beaucoup plus affirmée que ce que j’aurai pu faire avant.
C’est compliqué de matcher avec des personnes sans jouer le jeu de la superficialité sur les applications de rencontre. Il faut essayer de se détacher du physique et prendre du recul face à une application qui prône le paraître. Beaucoup de profils fakes, beaucoup de personnes en recherche de followers, beaucoup de personnes pour juste une nuit, de nombreux matchs qui ne découlent même pas sur un “bonjour”… Des profils vides comme certaines conversations. Néanmoins, il y a eu quelques discussions. Je trouve d’ailleurs que les premières lignes sont importantes… Sans juger, ni même analyser la personne, je sens assez facilement si la personne se livre plus ou moins facilement. La encore certaines personnes sont plutôt réservées, d’autres déjà désabusées n’alignent pas trois mots… Les bonnes conversations se font plutôt rares.
Il y a quelques années je me serais mis une énorme pression sur ce genre d’applis. Comment paraître viril ? Comment lui montrer que je suis une bonne personne ? Qu’est-ce qu’on attend de moi ? Dois-je faire le premier pas ? Et finalement j’ai laissé tomber tout ça pour être moi. J’ai fait tomber quelques barrières et, au passage, des préjugés. Je ne me mets plus de pression et je me dis qu’au pire j’apprendrais certainement quelque chose de nouveau en discutant et en rencontrant une nouvelle personne sans forcément que ça amène à quelque chose. Vient alors le moment de la rencontre… Bon si je me prends quand même un peu la tête… Comment s’habiller ? Ne pas en faire trop ? Quel endroit calme ? Et s’il n’y a pas de discussions ? Que va-t-on dire de ma sensibilité ? Car oui, je peux vous assurer que j’en ai entendu des réflexions sur mon caractère sensible et des preuves flagrantes que la masculinité toxique est un problème bien ancrer dans notre société…
Le problème de ces applications c’est qu’elles nous déshumanisent. Le support est froid, on n’y voit pas les choses essentielles qui peuvent jouer dans la séduction. Le regard, la voix, les textures d’une peau, les gestes, l’aura… Une simple photo (souvent retouchée) et une conversation écrite ne donneront jamais la même impression que dans la réalité. Si bien que certains projettent un fantasme, une vision à travers une photographie et une description sans connaître la personne. Et puis tout est tellement rapide, que nous ne prenons pas le temps de connaître la personne. Parfois j’imagine le temps que pouvait prendre le début d’une relation à des temps plus anciens. Le jeu de séduction, quand il fallait faire la cour, demander l’autorisation aux parents… Nos grands-parents avaient peut-être le secret pour faire durer leur relation : le temps.
Ne faisant pas partie de la vision « homme viril », je fais vite les frais de ces fantasmes quand je rencontre les personnes en direct. Je vous ai fait un best of des meilleures phrases que j’ai entendues.
- Tu es très gentil mais je sens que ça ne va pas le faire. (- Mais pourquoi ?) Tu n’as pas assez de caractère.
Donc être gentil c’est un manque de caractère… Tu m’as vu une fois et donc tu crois tout connaître sur moi… Ok, c’est pas plus mal tu as raison, je vais faire comme toi et passer à autre chose.
- Tu vois j’ai besoin d’un garçon un vrai, ce n’est pas vraiment ton cas.
Être sensible ne fait donc pas de moi un “homme”… Ah, nous n’allons pas nous entendre en effet, parce que justement je prône tout le contraire.
- T’as des figurines pop et tu aimes les Disney ?! T’es un peu gamin dans ta tête, faut grandir un peu…
Parce que garder son âme d’enfant ne fait pas de toi un adulte… J’ai connu des personnes moins matures que moi et qui pourtant ont le même âge… Aimer les dessins animés ne fait pas de nous des enfants incapables de mener une vie…
- J’ai besoin d’un homme, un vrai, celui qui me mettra un peu la misère !
Ah… Donc tu recherches une personne avec qui il y aura forcément conflit… C’est intéressant comme concept… Je déteste les conflits, ça tombe très mal…
Vous l’aurez compris, la sensibilité chez l’homme est encore mal comprise et quand tu sors du cadre, tu fais peur ! Car oui ça aussi on me l’a dit, ma personnalité sensible fait peur. Tantôt je fais peur car soit-disant « trop doux », par conséquent « pas viril » et sans caractère, on risque de s’ennuyer avec moi. Et de l’autre, je fais peur car j’exprime clairement mes émotions. Je pense qu’avant tout, je suis le reflet de leurs propres peurs. Le reflet d’une singularité que nous avons tous, mais étouffer derrière de fausses vérités. Non un homme gentil n’est pas homme sans caractère. Non, la haute sensibilité n’est pas genrée. Non, je ne suis pas un enfant qui collectionne des jouets. Non, je ne cherche pas une relation toxique. Un peu démoralisé par toutes ces remarques, j’ai finalement réfléchi et décidé de transformer toutes ces négations en affirmations. Oui j’aime apporter du sourire aux autres et les aider si je peux. Oui je suis un homme hautement sensible et je suis heureux de l’être. Oui j’ai gardé mon âme d’enfant et je m’extasie devant des choses comme le ferait un enfant. Oui je veux une relation profonde, construite sur des bases solides.
Après plusieurs rencontres de personnes, j’ai finalement décidé de ne plus me mettre sur des applis de rencontres pendant un bon moment et ce pour plusieurs raisons. Elles me donnent d’énormes complexes physiques. Je tombe vite dans le jeu de swiper sur plusieurs profils. Elles ne sont pas en accord avec mes valeurs humaines. Et enfin parce que je suis un éternel romantique. Je rêve et je garde espoir d’un jour rencontrer une personne comme ça dans un moment de surprises, sans avoir planifié quoique ce soit. Celles-ci m’ont tout de même montré qu’il y a encore beaucoup de travail à faire sur la vision de la sensibilité mais aussi l’image de l’homme. Finalement c’est un mal pour un bien, cette expérience m’a permis de me rendre compte que j’ai évolué en tant que personne et que je dois continuer dans cette optique de défendre la sensibilité et tenter de casser la masculinité toxique.
